Plongé dans l'illusion, l'être distinct revêt d'innombrables formes que lui confère l'énergie externe du Seigneur.
Les corps variés qu'empruntent les êtres distincts sont autant de costumes qu'ils se voient attribués par l'énergie externe et illusoire du Seigneur afin de satisfaire leurs désirs de jouissance matérielle selon l'un ou l'autre des trois gunas. En effet, l'énergie matérielle, ou externe, est constituée par les trois gunas -la vertu, la passion et l'ignorance. Même lorsqu'il agit au sein de la nature matérielle, l'être distinct jouit d'un certain libre arbitre par lequel il peut choisir de revêtir l'un ou l'autre des corps matériels que lui offre l'énergie externe. Ainsi existe-t-il 900 000 espèces aquatiques, 2 000 000 d'espèces végétales, 1 100 000 espèces de reptiles et de vers, 1 000 000 d'espèces d'oiseaux, 3 000 000 d'espèces de mammifères et 400 000 espèces humaines, l'ensemble regroupant les 8 400 000 variétés de corps que l'on trouve en diverses planètes de l'univers. Voilà donc comment se poursuivent les errances de l'être distinct par l'effet d'innombrables transmigrations, répondant ainsi à l'appel des diverses formes de désirs matériels qui l'habitent. A vrai dire, l'âme transmigre déjà d'un corps à un autre lorsqu'elle passe de l'enfance à l'adolescence, de l'adolescence à la jeunesse et de la jeunesse à la vieillesse. Puis, au terme de la vieillesse, l'âme transmigre dans un nouveau corps déterminé par les actes qu'elle aura accomplis au cours de sa vie. C'est en effet l'âme distincte qui crée elle-même son corps par la force de ses désirs personnels; l'énergie externe du Seigneur, elle, ne fait que lui fournir l'enveloppe matérielle particulière par quoi ses désirs peuvent se voir pleinement satisfaits. Le tigre, par exemple, lors de son existence précédente avait certainement désiré se délecter du sang d'autres animaux, et par la miséricorde du Seigneur, il se voit aujourd'hui doté par l'énergie matérielle, d'un corps qui correspond à ses désirs sanguinaires. Pareillement, celui qui souhaite obtenir un corps de deva, sur une planète supérieure, sera également exaucé par la miséricorde du Seigneur. Quant à celui qui a l'intelligence de désirer un corps spirituel qui lui permette de jouir de la compagnie du Seigneur, lui aussi verra son désir comblé. Chacun peut utiliser comme il l'entend l'infime part de liberté qui lui revient de droit, et le Seigneur fait montre d'une telle bienveillance qu'Il accordera à chacun le corps particulier auquel il aspire. Ces désirs s'apparentent à des rêves illusoires: sous l'effet du désir, un homme qui, par exemple, aura vu de l'or et une montagne associera les deux idées et rêvera d'une montagne d'or, mais lorsque s'achèvera le rêve notre homme réalisera alors qu'il n'y a autour de lui ni or ni montagne.
Les innombrables corps matériels que doivent revêtir les êtres distincts en ce monde ont pour origine les faux concepts du "je" et du "mien". Ainsi, le matérialiste considère que le monde lui appartient, et le spiritualiste pense "être" tout ce qui existe. Le concept matériel de l'existence, qui, chez l'âme conditionnée, transparaît dans la politique, la sociologie, la philanthropie, l'altruisme, etc., repose donc entièrement sur cette notion de "je" et de "mien", laquelle naît d'un puissant désir de jouissance matérielle. Cette identification de l'être à son corps et à son lieu de naissance -c'est-à-dire l'endroit où il a revêtu ce corps- qui se manifeste par diverses