mécanique et forcée quand celle du sage pur s'exerce de façon naturelle, par pur amour et affection spontanés.
Bhismadeva, sage pur, gardait constamment à l'esprit, en sa qualité de chef militaire, la vision du Seigneur sur le champ de bataille en tant que conducteur du char d'Arjuna. Il apparaît donc que le rôle de conducteur du char d'Arjuna fait partie des divertissements éternels du Seigneur. De fait, tous ses divertissements, depuis son apparition dans la prison de Kamsa jusqu'aux derniers instants tout à fait à la fin de Son séjour sur Terre, se succèdent sans interruption dans les différents univers, à la manière dont les aiguilles d'une montre se déplacent d'un point à un autre. Dans ces divertissements, ses compagnons, tels les Pandavas et Bhisma, L'accompagnent éternellement. Bhismadeva, ainsi, n'a pu oublier l'image resplendissante du Seigneur sous son aspect de conducteur du char d’Arjuna, qu'Arjuna lui-même ne pouvait voir, puisqu'il se trouvait placé à l'arrière du Seigneur. Notons ici que Bhismadeva était davantage en mesure d'apprécier les traits guerriers du Seigneur qu'Arjuna.
Tous ceux présents sur le champ de bataille de Kuruksetra retrouvèrent, au moment de la mort, leur forme spirituelle originelle, identique en nature à celle du Seigneur; car, par sa grâce immotivable, ils avaient pu le voir face à face. Les âmes conditionnées, prisonnières du cycle d'évolution des espèces, qui conduit graduellement des formes aquatiques jusqu'à celle de Brahma, sont toutes dans un corps de maya (l’énergie matérielle ou nature matérielle), fruit de leurs actes passés, que leur attribue la nature matérielle. Les corps matériels de l'âme conditionnée sont comme autant de vêtures, étrangères à sa nature, ou forme, originelle; mais lorsqu'elle se libère des griffes de l'énergie matérielle, l'âme peut retrouver cette forme. Les impersonnalistes cherchent à atteindre l’être Suprême Impersonnel, la radiance du Seigneur, mais ce n'est pas là une destinée qui convienne à l'étincelle vivante, partie intégrante du Seigneur. C'est pourquoi les impersonnalistes chutent de leur position et obtiennent à nouveau diverses formes matérielles, toutes étrangères à l'âme spirituelle. Les dévots du Seigneur, quant à eux, obtiennent une forme de même nature que celle du Seigneur, à deux ou quatre bras, sur une des planètes Vaikunthas (spirituelles) ou sur Goloka, selon la nature première de chaque âme individuelle. Cette forme, tout entière spirituelle, constitue ce qu'on nomme la forme spirituelle originelle de l'être spirituel; tous ceux qui participèrent à la Bataille de Kuruksetra, dans les deux camps, retrouvèrent, Bhismadeva le confirme, leur forme d’âme spirituelle naturelle originelle. Ainsi, le Seigneur, Sri Krishna, n'accorda pas sa grâce seulement aux Pandavas, mais encore à leurs ennemis, puisque tous atteignirent le même but. Or ce but, Bhismadeva désire lui aussi l'atteindre; telle est la prière qu'il adresse au Seigneur, nonobstant que son rôle de compagnon du Seigneur lui soit toujours assuré, en toutes circonstances. La conclusion est que quiconque quitte son corps en fixant son regard sur le Seigneur Suprême, à l'intérieur de lui ou à l'extérieur de Lui, retrouve sa forme d’âme spirituelle et son corps purement spirituel, et connaît ainsi la plus haute perfection de l'existence.