Visnu-, car aucun d'eux, pas même Brahma ou Indra, ne peut pénétrer dans l'île. Le Seigneur n'apparaît que bien rarement aux yeux des êtres célestes, tandis que les habitants de Dvaraka, par leur dévotion pure, exempte de toute souillure matérielle, de l'action intéressée ou de la recherche philosophique empirique, obtiennent la grâce de le voir face à face. Cette grâce est la condition originelle et naturelle de tout être vivant, que seul le service de dévotion peut permettre de retrouver.
Dvaraka jouit des richesses offertes par toutes les saisons; les plantes, les arbres vertueux y abondent. Partout, des ermitages, des vergers, des jardins de fleurs, des parcs et des étangs émaillés de lotus ajoutent à sa splendeur. Le portail de la ville, les entrées des demeures et les arches bordant les avenues pour l'occasion sont tous admirablement décorés d'emblèmes de fêtes [bananiers, feuilles de manguiers...], pour accueillir le Seigneur. Les oriflammes, les festons et les bannières peintes de symboles et de formules sont si nombreux qu'ils masquent les rayons du soleil. Les rues principales, les voies secondaires, les allées, les marchés et les lieux de rencontre publics, tout a été parfaitement nettoyé, puis arrosé d'eau parfumée. Et partout on a répandu, pour recevoir le Seigneur, fruits, fleurs et graines entières. A toutes les portes des demeures, on a disposé diverses offrandes à caractère propice: du caillé, des fruits entiers, des cannes à sucre, des pots remplis d'eau ainsi que des objets de culte, de l'encens, des lampes et des bougies.
La façon de recevoir le Seigneur ne manque pas d'éclat. Il ne suffit pas de décorer avenues et sentiers, mais le cœur même de la réception consiste à adorer le Seigneur, avec tous les éléments requis, encens, lampes, fleurs, sucreries, fruits et autres denrées savoureuses. Chacun fait ainsi une offrande au Seigneur selon ses moyens, et les reliefs de la nourriture ainsi consacrée sont ensuite distribués à tout le peuple réuni. Rien de froid et de terne, comme dans les réceptions officielles d'aujourd'hui. Chaque demeure est prête à recevoir le Seigneur comme il convient, et chacune distribue les reliefs de l'offrande faite au Seigneur à toutes les personnes présentes; de sorte que la cérémonie est parfaitement réussie. Car, nulle cérémonie ou célébration n'est complète si elle ne s'accompagne d'une distribution de nourriture; ainsi le veut la culture spirituelle.
Apprenant que Krishna, l'infiniment cher, va être bientôt de retour à Dvaraka, Vasudeva, Akrura, Ugrasena, Balarama, à la puissance surhumaine, Pradyumna, Carudesna et Samba, fils de Jambavati, tous âmes magnanimes, abandonnent, dans leur joie si grande, qui sa couche, qui son siège, qui son repas. Tous ces fils, avec d'autres proches du Seigneur Krishna, quittèrent chacun leur palais pour se hâter à sa rencontre, Lui le père suprême, délaissant toute occupation, qu'ils fussent allongés, assis ou en train de prendre leur repas. Accompagnés des sages érudits, porteurs d'objets divers, tous de bon augure [ainsi des fleurs], et précédés d'éléphants, qui sont emblèmes de bonne fortune, tous montent sur leur char et se hâtent joyeusement vers le Seigneur. Conques et bugles sonnent à l'unisson, et l'on chante les hymnes védiques; l'atmosphère porte au respect et sature la joyeuse troupe d'affection pour le Seigneur. A ce moment, plusieurs centaines de célèbres