Telles sont les caractéristiques visibles en la personne parvenue au niveau de l'amour pour Dieu. Le roi Parikshit nous en offre d'ailleurs un bon exemple. Assis sur la rive du Gange dans l'attente de la mort à laquelle l'avait condamné la malédiction d'un jeune prêtre, il dit : « Sachez, mère Gange et vous tous, sages assemblés ici, que je suis une âme tout entière abandonnée à Krishna. Que le serpent invoqué par la malédiction du jeune prêtre me morde à l'instant, pourvu que vous continuiez à chanter le message de Krishna. » Un tel dévot s'assure toujours de ne pas perdre son temps à quelque activité n'ayant aucun lien avec Krishna. N'appréciant nullement les bienfaits liés à l'action intéressée, au yoga de la méditation ou à la culture du savoir, il n'a d'attachement que pour les louanges à la gloire de Krishna. Le pur dévot du Seigneur Suprême le prie toujours les yeux baignés de larmes, le mental sans cesse absorbé dans le souvenir de ses actes et le corps toujours occupé à Lui offrir des hommages. Ainsi trouve-t-il la satisfaction. Tout dévot agissant dans le cadre du service de dévotion consacre entièrement sa vie et son corps à la mission du Seigneur.
Le Seigneur entreprit ensuite de décrire les caractéristiques de l'amour véritable pour Krishna, précisant que personne ne peut comprendre celui ou celle qui a développé un tel amour, qu'il s'agisse de ses propos, de ses activités ou de ses attributs. Même le plus grand érudit a du mal à comprendre le pur dévot amoureux du Seigneur, ainsi que le confirme le Bhakti-rasamrita-sindhu. La personne engagée dans le service de dévotion languit en son cœur lorsqu'elle chante les gloires du Seigneur Suprême. Comme celui-ci lui est très cher, lorsqu'elle glorifie son Nom, sa Renommée, etc., elle devient comme frappée de folie et, dans cet état, il lui arrive de rire, de pleurer ou de danser, et ce, sans nullement tenir compte de son entourage. En développant graduellement son amour pour Dieu, son affection, son émotion et son extase s'accroissent. Un tel attachement représente l'apogée de l'amour dévotionnel, comparable au sucre candi, la forme la plus raffinée et la plus savoureuse du sucre. L'amour de Dieu se développe ainsi chez le vrai dévot jusqu'à ce que son plaisir transcendantal s'intensifie au plus haut point.
Le Seigneur Chaitanya expliqua ainsi le niveau absolu, la félicité spirituelle, mais sans entrer dans les détails. Précisant qu'il s'agit là de la cinquième perfection. Il enseigna que le premier pas vers la perfection consiste à pratiquer la religion telle qu'on la connaît dans le monde matériel. Le deuxième pas consiste à acquérir des richesses matérielles. Le troisième est de parvenir à jouir de ses sens au plus haut point, et le quatrième correspond à la connaissance de la libération. Mais au-delà se situent les âmes libérées établies dans la cinquième perfection : la conscience de Krishna, ou le service de dévotion au Seigneur. La plus haute perfection dévotionnelle, dans le cadre de la conscience de Krishna, permet en effet de goûter l'extase spirituelle.
Le Seigneur informa ensuite Sanatane Gosvami qu'Il avait auparavant instruit son frère cadet, Roupa Gosvami, à Prayag (Allahabad, ville de l'Inde). Il assura Sanatane qu'Il avait conféré pleins pouvoirs à Roupa pour répandre le savoir qu'Il lui avait donné. Chaitanya ordonna ensuite à Sanatane d'écrire des ouvrages sur le service d'amour spirituel du Seigneur, et l'autorisa à redécouvrir les différents sites des divertissements de Krishna dans la région de Mathura. Il lui conseilla également de construire des temples à Vrindavane et de rédiger des ouvrages sur les principes du vaisnavisme, de l'action initiée par les transcendantalistes de l'ordre le plus élevé, qui expriment l'amour et la dévotion pour le Seigneur Krishna, et prennent ainsi plaisir à répandre la connaissance de sa Divine Personne et son enseignement pour le plus grand bien des êtres humains.